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Chinoiseries
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8 février 2006

Bombyx Mori

Suzhou n'est pas célèbre uniquement par ses canaux, temples et jardins, c'est un centre réputé pour ses broderies, déjà reconnu au VIè siècle, et Marco Polo, en 1276, ne fut pas le dernier à y visiter ses fameuses soieries.

Il avait emprunté pour s'y rendre le long et fantastique réseau qu'est la route de la soie.

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De Xi'an à Venise, après avoir traversé déserts et steppes, franchi des montagnes périlleuses, les marchands cédaient leurs soies, fourrures et céramiques, tandis qu'or, pierres précieuses et autres textiles faisaient le chemin inverse.

A raison de 30 kilomètres par jour, croisant pilleurs et guerriers, il était rare que la caravane arrive à bon port.

C'est la raison pour laquelle les oasis ou places fortes situés sur le chemin devenaient des centres commerciaux fort développés. Khoton, Kachgar, Samarkand et Istanbul en étaient des centres névralgiques.

Hormis les marchandises, ce réseau permettait également la propagation des savoirs, des cultures et des croyances, même si ce n'est qu'à partir du XIIIè siècle que les européens rencontrent de visu leurs fournisseurs chinois et vice versa, entraînant la fin de préjugés erronés (les chinois étaient perçus comme "grands" et les italiens comme de type asiatique...).

Au XVè siècle, Vasco de Gama et Bartolomeo Diaz, s'ils firent beaucoup pour les échanges internationaux, conduirent la route de la soie à sa perte : les marchandises précieuses ne transitèrent plus par la route, mais par la mer, en contournant l'Afrique et rejoignant la route des épices.

Parmi les trésors que transportaient les dromadaires, la fameuse soie.

La légende de la découverte de la soie est fort jolie : il y a 4.700 ans, dans un joli jardin de la Chine, la princesse Xi Ling Shi prenait son thé dans un délicat service de céladon (comme vous le savez, le kaolin n'avait pas encore été trouvé pour la réalisation d'objets en porcelaine blanche; pour cela, il faudra attendre le VIè siècle de notre ère !). Elle s'était allongée nonchalament sous un mûrier blanc, et venait de prendre sa tasse. Elle allait la porter à ses lèvres lorsqu'une forme blanche se détacha de l'arbre et tomba dans son breuvage. Curieuse, elle la prit délicatement entre ses doigts et déroula le long filament brillant, qu'ensuite elle fila. Vous connaissez la suite, la matière plus douce que la peau était née.

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Depuis le IIé siècle avant JC, la soie était devenue un produit d'échange, et les patriciennes romaines raffolaient de ces étoffes si fines qu'elles passaient dans le vide d'une bague.

La Chine tut toutefois le secret de fabrication de la soie jusqu'au VIè siècle après JC, et si les fabriques étaient nombreuses, toute sortie de cocon, toute exportation de mûrier signait un arrêt de mort pour le fraudeur. Dans son de Nature Rerum, Pline tente une explication, mais quelque peu erronée, puisqu'il pensait qu'elle était produite par les arbres.

L'histoire raconte qu'une princesse épousa un prince de Khoton, pays qui ignorait la soie. En se rendant dans ses nouvelles terres, elle cacha dans sa coiffe des oeufs de Bombyx et des graines de mûrier. Au poste frontière, les gardes n'osèrent offenser l'altesse en fouillant sa chevelure.

L'Histoire quant à elle relate l'arrivée frauduleuse de la soie à Constantinople vers 550 grâce à deux missionnaires.

Pendant ce temps là, la France était largement dominée par l'Italie qui disposait d'un véritable monopole pour ce commerce. Louis XI en fut agacé et proposa à Lyon de produire ces tissus; face aux pressions italiennes et au rejet de la municipalité (qui, sans subventions royales ne pouvait faire face aux salaires), la fabrication fut installée à Tours.

Ce n'est que sous François Ier que Lyon prendra ses lettres soyeuses, jusqu'à devenir la capitale européenne de la soie au XVIè siècle.

L'essor de la sériculture est due à Henri IV, un édit de ce dernier exigeant que chaque paroisse dispose de mûriers blancs et d'une magnanerie.

Au milieu du XVIIIè siècle, Joseph-Marie Jacquard va donner un tour nouveau au tissage, qui entre dans l'ère de la mécanisation.

Par la suite, le déclin de cette industrie française naguère florissante sera sans pitié : fin XIXè, la pébrine attaque les vers à soie; de plus, le mûrier subit les aggressions d'une cochenille parasite, et pire, la soie artificielle voit le jour.

Aujourd'hui, il ne nous reste plus qu'à importer de la soie...de Chine !

Avant que d'achever ce post, je vais dévoiler LE secret si jalousement gardé pendant des siècles.

Les ingrédients indispensables sont un mûrier blanc et un ver de bombyx mori.

Le bombyx mori de la soie est le ver du bombyx mori le papillon. Le ver, véritable goinfre, dévore exclusivement des feuilles de mûrier blanc.

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Presque devenu chrysalide, il oeuvre dur à la fabrication de son cocon (pendant 3 à 4 jours) dans lequel il va grandir 400 fois en environ 20 jours.

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Si le cocon évolue normalement, le papillon crève son cocon et écarte enfin ses élytres.

Dans le cadre de la fabrication de la soie, on assiste à des tueries barbares : pour ne pas briser le fil, le cocon est placé, juste avant l'éclosion, dans un bain d'eau chaude, puis déroulé sur des rouets, tuant ainsi le papillon dans le cocon. L'eau permet la suppression de la sericine - matière entourant le fil de soie - (qui a donné son nom à la sériculture ou est-ce plutôt parce que la soie était supposée venir du pays des Sères???).

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Lavages, teintures, les 1:500 m du cocon sont exploités pour donner le meilleur de lui même.

Ensuite, vient le tissage. Hormis l'absence de musique, le métier ressemble fort à celui de l'organiste : les mains passent les navettes et vérifient les fils, tandis que les pieds jouent avec les bambous et mettent en place les cadres voulus.

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Saviez vous, Mesdames, que la petite robe de soie de vos rêves a nécessité 1.700 cocons et 60 kilos de feuilles de mûrier pour sa fabrication?

Ces petits chaussons pour pieds "lotus d'or" en ont éxigé bien moins, mais ceci est déjà une autre histoire.

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  • Mes aperçus de Shanghai où j'ai vécu pendant quelques mois, de mes voyages, de quelques états d'âme. "L'homme connaît le monde non point par ce qu'il y dérobe mais par ce qu'il y ajoute". Paul Claudel
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