Ballade au Nord de Paris (2)
L'abbaye de Royaumont
Encore et toujours le moyen âge, et trois grandes Histoires !
Tout d'abord, celle du bon roi saint Louis, celui qui rendait impartialement la justice sous un chêne.
Avant d'être saint (ce fut d'ailleurs le seul roi de France a être canonisé), il fut Louis IX, fils de Louis VIII et de Blanche de Castille. Les dernières volontés de son père furent qu'une abbaye soit édifiée pour le repos de son âme, et le jeune fils - il n'a alors que 14 ans - va tout mettre en oeuvre pour la réaliser : c'est ainsi que fut fondée la 599è abbaye cistercienne en 1228.
Saint Louis était très pieux, et il mena une vie austère et emplie d'actes de pénitence, notamment après l'échec qu'il connut lors de la 7è croisade qu'il mena en Egypte en 1248. (Il mourra aux portes de Tunis lors de la 8è croisade en 1270).
Il était très attaché à Royaumont, où il effectua de nombreux séjours et enterra certains de ses enfants et l'un de ses frères (transférés depuis à saint Denis).
Puis l'histoire de ces vieilles pierres : en 1791, les 10 moines qui subsistaient sont expulsés, l'abbaye est vendue et transformée en filature de coton.
A cet effet, l'église est détruite et les pierres récupérées pour construire les logements des ouvriers, les bâtiments sont emplis de machines à filer.
En 1863, la vie religieuse renaît, et en 1869, les soeurs de la Sainte Famille de Bordeaux vont entamer de lourdes restaurations pour permettre l'ouverture d'un noviciat. (lors de la fermeture de la filature, des pans entiers de murs furent détruits pour permettre le passage des machines !)
En 1905, les religieuses, interdites d'enseignement par la loi Combes, vendent le site, qui servira d'hôpital de guerre entre 1915 et 1919.
Grâce aux derniers propriétaires, Isabel et Henri Gouïn, et à leur fondation Royaumont pour le progrès des sciences humaines, le site vit une deuxième naissance. Il abrite depuis 1978 un centre culturel de rencontres dédié à la musique, à la danse contemporaine et à un pôle pluridisciplinaire.
Petit détail architectural en passant : la voûte de la sacristie, en berceau brisé alors que le reste de l'édifice est en croisée d'ogive
(à gauche, sacristie, à droite, voûte du refectoire des moines)
et des carrelages rigolos dans le réfectoire des moines
La troisième histoire est celle des moines et des frères convers. A l'apogée de Royaumont, on recensait 120 moines et 40 frères convers
"L'oisiveté est l'ennemie de l'âme" dicte la règle de saint Benoît et une vie en autarcie évite les tentations du monde. Ces règles sont suivies par les bénédictins et les cisterciens : le travail manuel est donc de mise, dans un monde limité au périmètre de l'abbaye.
Mais il existe des castes ! Les frères convers, qui ne peuvent ou ne veulent pas recevoir les ordres sacrés, sont employés aux travaux agricoles (culture des céréales) et ne peuvent assister aux offices dans le choeur. Ils sont habillés de pourpre et portent la barbe.
Les moines quant à eux étudient, se livrent à des travaux manuels, source d'humilité (jardinage par exemple) et assistent aux offices dans le choeur. Ils sont habillés de blanc et imberbes.
Les chemins ne se croisent pratiquement pas, et l'un comme l'autre peut aisément s'éviter en cas de myopie de par les dissemblances vestimentaires et physiques. De plus, chacun dispose de son réfectoire (le frère convers prépare la nourriture, mais ne pénètre pas dans le réfectoire des moines pour les servir) et de son dortoir.
(dans les cuisines, vierge du XIVè s)
Là s'arrêtent les différences, car pour tous, le silence est de mise, le repos nocturne se fait sur une paillasse - tout habillé, le repas (1 l'hiver et 2 l'été) est aussi frugal (au moins au XIIIè siècle - la viande était interdite, sauf à l'infirmerie, et selon saint Bernard, la chère devait être moins que savoureuse et le vin aigre; vin dont les moines usent à raison d'une pinte par jour, la contenance variant selon les régions et les époques...), et le nombre d'offices respecté (7 fois par jour, une fois la nuit, en tout, 6 à 7 heures de prières). D'ailleurs, pour permettre une arrivée facilitée, notamment la nuit, un escalier menait directement les moines de leur dortoir à l'église.
Le silence? Oui, sauf dans la salle capitulaire où l'abbé parle des intérêts de la communauté...
Vivant en autarcie, l'abbaye contient donc un verger, un potager, et des herbes médicinales ignorées que l'herboriste mixe et broie.
bétoine contre les cauchemars; consoude pour soigner les ulcères et les membres blessés; potentille et rue (plantes "chaudes"), mais on trouve également des remèdes miracles tels l'absinthe qui lutte contre fatigue, mélancolie, insomnie, arthrose, arthrite, toux et douleurs pulmonaires...à croire que la Fée Verte chère à Verlaine et Baudelaire, avait bien des vertus !)
Abbaye de Royaumont - Entrée 5,5 €
site fort bien détaillée www.royaumont.com pour les compléments, les itinéraires et les visites virtuelles
Info : le café qui semble fort sympathique n'est malheureusement ouvert que les week end !